Le 25 mai 1935, Jesse Owens a réalisé un exploit qui reste inégalé dans le monde de l’athlétisme. En seulement 45 minutes, il a battu cinq records du monde et égalé un autre, tout cela alors qu’il souffrait d’une blessure suffisamment grave pour que son entraîneur envisage de le retirer de la compétition. Cet exploit remarquable lors des Championnats Big Ten à Ann Arbor, Michigan, reste un moment unique dans l’histoire du sport.
La blessure qui a failli l’arrêter
Cinq jours avant les Championnats Big Ten, Owens est tombé dans les escaliers de son dortoir à l’Université d’État de l’Ohio, se blessant au bas du dos. Le matin de la compétition, son état ne s’était pas beaucoup amélioré. Owens avait besoin d’aide pour entrer et sortir de la voiture et avait du mal à se pencher pour toucher ses genoux. Malgré cela, après un bain chaud de 30 minutes pour détendre ses muscles, Owens a décidé de participer à la compétition, avec l’accord de son entraîneur Larry Snyder de l’évaluer à chaque épreuve.
Battre des records du monde avec détermination
100 yards – Égalisation du record du monde
Le premier événement de la journée pour Owens était le sprint de 100 yards, qu’il a abordé malgré l’impossibilité de se réchauffer correctement. Il expliqua que lorsqu’il s’est accroupi pour démarrer la course, la douleur qu’il ressentait s’est soudainement dissipée. Bien qu’Owens ait eu un départ lent, il a rapidement trouvé son rythme et a franchi la ligne d’arrivée en 9,4 secondes, égalant le record du monde en vigueur. Curieusement, certains chronomètres ont enregistré Owens en 9,3 secondes, mais les règles de l’époque stipulaient que l’on devait prendre la plus lente des mesures officielles, conservant ainsi le record à 9,4 secondes. Owens ne serait plus égalé en 9,3 secondes pendant encore 13 ans.

Long saut – Un nouveau record du monde
Avec peu de temps entre les épreuves, Owens savait qu’il n’aurait qu’une seule chance de sauter. Cette chance fut largement suffisante. Owens s’élança sur la piste et atteignit un impressionnant 8,13 mètres, battant le record du monde de 15 centimètres. Il devint ainsi le premier homme à franchir la barrière des 8 mètres, et son record resta en place pendant 25 ans. Seul Bob Beamon, avec son saut légendaire lors des Jeux Olympiques de Mexico en 1968, réussira à dépasser cette marque. Le saut d’Owens aurait même été classé sixième lors de la finale des Jeux Olympiques de Rio en 2016, soulignant l’ampleur de son exploit.
Course de 200m – Un autre record éclatant
Moins de 10 minutes après avoir établi son record en long saut, Owens se rendit sur la ligne de départ pour le 220 yards (l’équivalent du 200m). Il domina la course, terminant en 20,3 secondes, battant le record du monde de trois dixièmes de seconde. Cette performance lui permit de battre deux records du monde dans une seule course. Son allure fluide semblait le faire courir seul, tant il était loin devant ses adversaires.

Haies basses de 220 yards – Un dernier record du monde
Lors de sa dernière épreuve de la journée, Owens se présenta pour les haies basses de 220 yards. Malgré ses précédents efforts et la douleur persistante dans son dos, Owens réalisa une performance exceptionnelle, terminant en 22,6 secondes. Ce temps non seulement établit un nouveau record du monde, mais fit de lui le premier homme à franchir la barre des 23 secondes dans cette discipline. Son avance sur son plus proche rival était de presque 5 mètres. Après cette course, Owens dut quitter la salle de change pour échapper à l’enthousiasme débordant de ses fans.
Un héritage gravé dans l’histoire
L’ampleur de l’exploit d’Owens en 45 minutes est incomparable. À une époque où les athlètes devaient repousser leurs limites sans les méthodes d’entraînement avancées et le soutien dont bénéficient aujourd’hui les sportifs, l’exploit d’Owens reste un moment unique dans l’histoire du sport. Bien que ses quatre médailles d’or aux Jeux Olympiques de Berlin en 1936 demeurent iconiques, rien ne rivalise avec le moment magique qu’il a créé à Ann Arbor.